30 sept. 2009

Amour, célébration et décalage

Pour certains l'amour n'existe pas tant qu'il n'a pas fait l'objet d'un récit, pour d'autres il meurt dès qu'il est raconté (voir les commentaires d'un billet précédant).

Dès qu'il qu'il y a récit, le sentiment amoureux cohabite avec son image, qui n'est jamais fidèle : à l'instar de Montaigne et de son travail ("le maire et moi avons toujours fait deux"), le sentiment et l'image du sentiment font deux.


Quand on parlait à Elsa des poèmes d'Aragon célébrant leur amour, elle haussait les épaules. "Il y avait ce qu'on vivait, et ce qu'il écrivait", disait-elle. L'écart était trop grand, ces poèmes ne la concernaient pas. Ils ne la touchaient pas. Sans doute même qu'ils l'agaçaient.

28 sept. 2009

"Authenticité" et profession

Une des conséquences de la quête d'authenticité est de rendre plus difficile la quête d'un métier.

Certains ont une vocation professionnelle, d'autres non.

Ces derniers sont obligés d'adhérer à un métier auquel ils n'adhèrent pas. Pour parler de cette malédiction, Montaigne (qui était maire) avait une bonne formule : "Le maire et moi avons toujours fait deux".

Parce qu'il est pénible de "faire deux", beaucoup essayent de se convaincre qu'ils "font un". Beaucoup y parviennent. C'est l'inauthenticité au travail.

Critique de la notion "d'authenticité"

Si elle est l'inverse du made in China et que le roman repose dessus, ça fait beaucoup de poids sur l'idée "d'authenticité".

Or, cette idée est suspecte.

Si on dit, par exemple, de la "musique cubaine authentique", on peut être presque sûr qu'il s'agit d'un pastiche de musique cubaine, la volonté d'authenticité tuant l'authenticité par excès de purisme.

Il est donc difficile de dire : "je fais cela de manière authentique", "ma démarche est authentique", "mon amour est authentique".

Dès lors, sur quoi s'appuyer pour vivre "authentiquement" ? L'ignorance par exemple.

Dans le roman, le personnage féminin fait lire à l'homme un passage de Daphnis et Chloé. Il y est dit que Chloé, jeune fermière analphabète, n'a jamais entendu parler du mot amour. Elle ressent quelque chose d'obsédant pour Daphnis, mais ne sait pas ce que c'est. Ne le sachant pas, elle ne peut pas se raconter d'histoire. Son sentiment amoureux ne peut pas devenir un pastiche. C'est un sentiment authentique.

Pourquoi "un héros précaire de notre temps" ?

Accessoirement, "Un héros de notre temps" est le sous-titre du roman Underground, de Vladimir Makanine.

Dans cette formule se croisent deux idées. La première, évidente, c'est que le roman est contemporain. La seconde, plus ambigüe, pose une question : qu'est-ce qu'être héroïque aujourd'hui ?

Il y a, par exemple, un certain héroïsme a vouloir être "authentique", comme évoqué dans le post précédant : ne pas être made in China dans sa vie sexuelle, professionnelle, amicale, intérieure, etc.

Le personnage central de Made in China est donc un personnage qui cherche à être le moins possible made in China dans sa vie. Et cette ambition y est lue comme une forme d'héroïsme.

Ou pour le moins : d'héroïsme précaire.

Autrement dit : jamais acquis, jamais certain, jamais définitivement gagné.

Ce qui est authentique à midi est peut-être devenu made in China à midi et une minute.

Nous aurons l'occasion de revenir souvent sur cette dégénérescence et ses causes multiples, comme le narcissisme.

Pourquoi "Made in China" ?

On va dire, de manière un peu abstraite, que le "made in China" désigne la copie, l'inauthenticité.

Est made in China, par exemple, un sourire mondain, un "je t'aime" pas senti, un "c'est beau" énoncé face à une œuvre qui ne nous touche pas.

De larges pans de notre sexualité sont made in China. Notre vie professionnelle l'est aussi très souvent.

C'est aussi, accessoirement, le titre du roman que je finis d'écrire et qui a pour ligne de fond l'inauthenticité.

L'idée de ce blog, qui changera peut-être, est de garder la trace des réflexions liées (ne serait-ce que temporellement) à la fin d'écriture du roman.